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A LA RENCONTRE DE LA TRIBU NYISHI A YAZALI (ARUNACHAL PRADESH)

Publié le par misha

PREMIER SEJOUR EN ARUNACHAL PRADESH : 25 FEVRIER-6 MARS 2023

L’ARUNACHAL PRADESH est ma prochaine destination. Un état peu connu, au début des premiers sommets himalayens, bordé par le Bhoutan, le Tibet et le Myanmar. Cet état est en zone restreinte et protégée de par sa situation. Il m’a donc fallu obtenir un permis spécial PAP que mon contact Chukhu Mamaa s’est chargé de demander il y a quelques semaines.

L’ARUNACHAL PRADESH est habité par des communautés tribales. Ce sont les Nyishis que je rencontrerai lors de ce premier séjour dans cet état. Je reviendrai le 13 mars pour y découvrir l’ethnie Apatani à Ziro.

 

Première soirée en compagnie du ministre de l'Education et des affaires tribales, sa famille et ses amis

UN VOYAGE HORS DU TEMPS DIFFERENT DE CE QUE J’AI VECU JUSQU’A PRESENT

Ce 25 février, j’ai quitté Tezpur en bus à 7h du matin pour arriver 4h plus tard à Bandardewar, une ville située à un des postes de contrôle. De là, je devais poursuivre vers Naharnagan pour rejoindre Chukhu Mamaa. C’était sans compter les complications….

 

BLOQUEE POUR QUELQUES HEURES AU POSTE DE CONTROLE

Chouette, un bus est sur le point de partir. Quelques mètres plus loin, tout le monde descend pour passer le check point. « Tous en ligne » aboie le conducteur qui joue l’autoritaire. Obéissante, je me range mais pas pour longtemps !  Les mots « Foreigner … Foreigner » sonnent à mes oreilles … Je suis vite repérée, mise à l’écart, avec ma valise aussitôt débarquée du bus (qui repart sans bibi).

Je montre mon passeport, le E-Visa et le fameux PAP. On me fait comprendre d’attendre l’officier qui doit venir les inspecter. Et ça prend un certain temps ! Il contacte Chukhu Mamaa pour le questionner sur mon séjour ; heureusement il est bien connu car travaillant au Ministère de l’Education et de la Culture et des Affaires Indigènes. On m’invite gentiment à patienter assise sur une chaise dans la guérite. Un ami à lui va venir me chercher pour m’installer confortablement dans son hôtel, non sans avoir donné au préalable ses coordonnées complètes. Je me laisse porter car je suis débordée par la situation. « Come again ! » me lance un douanier avec un grand sourire, avant de suivre l’hôtelier.

A 16h passées, on vient enfin me chercher pour passer de « l’autre côté ». Et je me retrouve, ébahie, dans une voiture officielle, intérieur cuir, avec chauffeur et un représentant du Ministre de l’Education !

De nouveau arrivés à un autre poste de contrôle, je dois remontrer mes papiers, mais avec mes deux body-guards, ça se passe bien. La nuit est tombée, la route est défoncée ; je devine des flancs de montagne rocheux. J’ai l’impression d’avoir roulé des heures ! De plus en plus ébahie quand la voiture franchit la haute grille d’une superbe propriété privée. J’apprends que je suis chez le Ministre et que j’y serai hébergée deux nuits dans une chambre pour VIP ! Chukhu travaille avec lui et restera ici le temps que le festival Nyokum se termine.

 

Veille du grand jour, le festival Nyokum à YAZALI

SACREE SOIREE !

Me voici transportée dans un autre temps dès l’entrée dans une longue pièce sombre au sol et murs en bambou.  Tous les regards se portent vers la foreigner ! c’est très intimidant. L’ambiance est joyeuse.

Deux âtres centraux où le feu est alimenté par de longues bûches. Au-dessus un rwabha est accroché par des chaines (une sorte étagère à 2 niveaux dont un en grille  qui sert à sécher ou fumer la viande, et aussi les piments pour le chili, posés sur des vanneries en bambou tressé.

Assis par terre tout autour, une chope en bambou devant eux, des hommes en costume traditionnel, avec de drôles de coiffe surmontée du casque jaune de calao, et de plumes.  Les plus remarquables sont les 4 chamans. Tous me saluent, viennent même me serrer la main, le Ministre la premier, qui me donne aussitôt une chope remplie de vin de millet. Buvez, insiste- t- il l’air joyeux, c’est du millet wine local, bio et donc très pur. J’entendrai cela très souvent lors des festivités ! Sous les regards de tous, je trempe mes lèvres prudemment m’attendant au pire. Eh bien non ! Ce vin, à base de millet fermenté est appelé Apong, et me fait penser à un vin cuit. Je ne me risque pas à trop en boire ni à goûter les intestins de porc qu’on me proposait gentiment. Certains hommes s’occupent à tailler les copeaux de bambous avec leurs longs couteaux, ils s’en tortillonnent et ressemblent à des fleurs qui viendront orner les coiffes des femmes le lendemain.

Les femmes sont assises autour du second âtre devant un chaudron où cuisent des morceaux de viande, une chope posée devant elles. Beaucoup viennent me serrer la main, veulent tout savoir sur moi ! Photos, selfies et échange de nos WhatsApp. Photo aussi avec le ministre, la mère et la grand-mère de 85 ans.

 

Et me voilà à me trimballer la chope à la main, dans toute la pièce allant de groupe en groupe. On m’explique le sens de tous les objets accrochés aux murs de bambou : les cornes de mithun (bisons domestiqués) sacrifiés, une corne par mithun, les mâchoires d’animaux sacrifiés, les gourdes anciennes qui servaient à contenir le vin de millet, les épées, les couteaux, les arcs et les flèches etc… de longues tranches de viande doublée de lard sèchent suspendues à des crochets.

HAPPY NYOKUM !

Le mot NYOKUM est un combiné de Nyok=terre, et Kum=unité, collectif.

Ce festival Nyishi célèbre la terre et invoque les forces spirituelles de la nature pour assurer l’harmonie, la prospérité et le bien-être des personnes. Aucune divinité n’est invoquée.

 

 

 

LE JOUR DU SACRIFICE, UNE CEREMONIE MENEE PAR LES CHAMANS

Dimanche 26 est la dernière journée du festival Nyishi : Nyokum. Un mithun blanc (couleur souhaitée par les chamans) vit ses derniers instants, avant l’heure du sacrifice. Tout comme la chèvre et les quelques poules qui y passeront avant lui. 

La cérémonie part très lentement de la longue maison en bambou où les 4 chamans, et tous les invités sont réunis. Les hommes et les femmes sortent en file indienne au son d’une litanie, intensifiée par les micros, avec à la main une grande feuille ressemblant à celles du strelitzia. La file interminable arrive enfin sur l’immense terrain et forme un immense cercle autour d’une structure faite de bambous qui a été édifiée. C’est vraiment un spectacle intense. Les poulets pendent accrochés à des longues perches, les plus vifs se débattent.  Deux femmes donnent à boire à la louche le vin local à tous ceux qui le demandent.

Le mithun est trainé au pied de l’édifice puis sacrifié d’un coup de hache. Il se meurt lentement sous un long cri sourd de la foule. Et ça duuuuure. Je dois vous avouer que j’ai tenu mon téléphone en filmant la scène sans la regarder ! Pauvre bête.

Plus tard place à la danse, au repas, et au concert donné par le célèbre Rito Riba, de l’ethnie Gallo, qui a visiblement beaucoup de fans ici ! J’ai dû danser de longues heures, invitée de tous côtés et poser pour des centaines de selfies ! J’ai aussi dû me laisser interviewer « suppliée » par deux journalistes de la tv locale.

Sacrée journée on peut le dire ! Je n’en peux plus, une seule envie me coucher !!!

 

REGARDER LA VIDEO

DEBUT DU FESTIVAL NYOKUM MENE PAR LES CHAMANS

 

 

le mithun vit ses derniers instants

HOMESTAY A LA FERME : LE PLEIN DE VITAMINES !

Après deux jours où j’ai été traitée comme une princesse, je déménage ! Chukhu m’a choisi un homestay à 2 kms du village de Yazali pour les 7 prochains jours. Une ferme qui cultive des légumes et des fruits bio. Un grand bungalow pour moi toute seule, au milieu de la nature. J’y suis choyée ici aussi, et on me nourrit bien. Je prends mes repas dans leur maison face à l’âtre central, assise par terre ou bien sur ma terrasse.  La météo est à la pluie et la fraîcheur tombe dès 17h.  Je profite du mauvais temps pour terminer de mettre en couleurs mes croquis.

UNE APRES-MIDI ENRICHISSANTE EN FAMILLE

 

Mon hôte m’emmène chez une famille qui inaugure leur nouvelle maison (Un peu comme chez nous la pendaison de crémaillère). Au sommet d’une colline propice au parapente, la maison domine Yazali et enfin il fait assez beau ! Les ballons annoncent la fête. Baath Khilli, le maître de maison occupe un poste important, un peu l’équivalent du maire. En assamais, il est gaowbura, GB en raccourci. Je suis presque gênée par la gentillesse de leur accueil. J’ai droit à tous les honneurs et même à un cadeau, une pièce de tissu que les femmes nyishi enroulent autour de hanches, tel un pareo, pour faire une jupe, gale dans leur dialecte. Et ils adorent me prendre en photo habillée ainsi !

Les plats se succèdent et bien sûr on me propose le vin de millet et du… Redbull !!!! Le bison ce n’est décidément pas mon truc, trop fort en goût. Le porc masala oui, ainsi que le délicieux kheer, un peu l’équivalent de notre riz au lait (riz, lait concentré et noix). Il est temps de partir après encore maintes photos et selfies et pas question de partir sans mon cadeau, ils insistent. (Et moi je pense d’abord au poids de ma valise !!!)

 

 

ENCORE UNE JOURNEE DE FOLIE !

 

notre hôte et  deux de ses épouses dans la belle cuisine toute neuve

Samedi matin dès 9h, mon hôte m’emmène chez un autre de ses frères qui fête l’inauguration de sa nouvelle maison ! Encore une pendaison de crémaillère mais avec une célébration religieuse. Cette fois, la maison n’a pas encore été habitée. On l’appelle ici « House warming » et en nyishi Naam nama. Ce n’est pas une crémaillère qu’on pend mais le premier feu qui sera allumé dans la maison.

Baath Dug a 3 femmes et 18 enfants (garçons et filles) ! il en avait 4, mais la première est décédée depuis longtemps. Elle s’était mariée à l’âge de 15 ans.  La maison est donc très, très grande pour loger les 3 femmes et plusieurs de ses fils !

Belle cérémonie émouvante avec la présence du pasteur, les prières des membres de la famille et le ruban coupé pour entrer dans la maison. Puis ce fit encore un discours et les remises d’écharpes pour honorer certains. Je fus très surprise et émue de figurer parmi eux !

Un joli buffet nous attend à l’extérieur. Les repas sont préparés dans la bambouseraie jouxtant la rivière. Une cuisine géante ! Au menu du mithun, du porc, du poulet bouilli, des intestins de porc ou du paneer, des légumes et des salades variés, et pour la note sucrée, du kheer au riz de l’Orissa. J’assiste à la préparation du poisson « en papillotes » où de grandes feuilles ramassées dans la forêt remplacent notre papier sulfurisé. Le tout est inséré dans des tronçons de bambou qui seront posés dans le feu. Ici on grille les graines de sésame dans un grand chaudron, plus loin une femme pile dans un bambou creux qui fait office de mortier, le gingembre, l’ail, les piments et les oignons qui viennent d’être préparés. De grosses pièces de mithun pendent en attendant d’être coupées en morceaux et cuisinés dans un autre chaudron.

Des tables rondes protégées par un parasol sont disséminées dans l’espace dédié au repas. Ça en fait du monde car tous les enfants et petits-enfants sont là ! Le redbull est encore de la partie !

 

 

TREK EN MONTAGNE

 

Petit trek tout en grimpette pour rejoindre un petit village via un pont suspendu et rendre visite à une famille. La maison est traditionnelle avec son âtre central. On se désaltère. La maman est ses deux filles tiennent à m’habiller dans le costume de fête des nyishi. Photos et belles rigolades ! En le portant je mesure que les accessoires pèsent bien lourd !

 

 

 

PRIORITES, MAUVAISES et BONNES SURPRISES

J’avais 2 priorités aujourd’hui :

  1. Retirer le l’argent à un ATM : Le seul ATM du coin n’accepte pas mes deux cartes Visa…
  2. Trouver un internet café pour mettre mon article sur Kaziranga en ligne car je n’ai pas la wifi et le partage de connexion avec mon iPhone ne marche pas…

 

Mais tout s’arrange !

Chuku Mamaa m’avance 250€, je le rembourserai à Ziro.

Grâce au partage de connexion avec David le fils de mon hôte je parviens à publier mon article.

Ouf !

Voici donc dans les grandes lignes mon séjour à Yazali.

Je repars vers l’Assam lundi 6 mars pour l’île de Majuli, avec une journée de transport en perspective

Me voici déjà à plus de la moitié de mon périple indien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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